Antonin Artaud
Tourné en 1971, ce moyen métrage appartient à une forme cinématographique qui mélange les codes du documentaire et de la fiction. Reflétant son époque, il a capté l’esprit révolutionnaire de la jeunesse et son ambition révolutionnaire. C’est une expérience cinématographique qui cherche à définir un nouveau langage cinématographique entre écriture et improvisation.
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Ce film, annoncé comme un documentaire sur la vie de bohème de Jacques Probst, un jeune poète à la dérive, s’est imbibé de fiction au cours du tournage. En adaptant la première pièce du poète L’Ecuelle à l’écran et en la superposant avec la vie du protagoniste, il en résulte une œuvre mystérieuse et mystique, qui résume le désespoir d’un travesti morbide qui meurt septante sept fois au cours du film. Cette fable surréaliste expose le décalage culturel qui étouffe la jeunesse d’alors qui aspirait à plus de liberté.
Pour qu’il soit visible aujourd’hui le film a dû surmonter plusieurs épreuves qui auraient bien pu le condamner à l’oubli. Ayant obtenu une subvention de l’Office fédéral de la culture pour la réalisation d’un documentaire sur le poète Jacques Probst, Jacques Thévoz se voit refuser la prime à la qualité étant donné que le film ne correspond plus du tout au projet initial. L’Office fédéral de la Culture engagera une procédure pour demander le remboursement du crédit accordé. Après un recours débouté, Jacques Thévoz ne pourra jamais rembourser les sommes demandées, déjà engagées dans la production du film. Cet épisode marquera un tournant dans la carrière du réalisateur qui sera ensuite mis au ban des sources de financement étatique pour ses prochains films, compliquant passablement la fin de sa vie d’artiste.
Universelle et locale, cette oeuvre intemporelle interpelle la société sur les préoccupations des jeunes, qu’ils viennent de la basse ville de Fribourg ou de la Genève internationale. Avec le recul on perçoit que la jeunesse du monde fait toujours face à l’oppression du patriarcat et peine à se trouver un futur motivant dans un contexte qui ressemble de plus en plus à une ruine. L’important est ce qui se passe dans la tête des spectateurs qui eux doivent produire du sens!
« … La subjectivité du film, nous change des plates images de la médiocrité quotidienne. Il faut faire des films épiques. Ne pas se référer à des modèles, mais raconter le voyage. Je crois que « L’Auge » a réussi cette gageure. La quête de Probst rejoint celle de tous les adolescents en 1972. C’est le privilège et le devoir des poètes, que de parler au nom de tous. Et si le chemin passe par une prison, c’est que la prison existe. … » Michel Viala, auteur, comédien et poète genevois
AFA 2017, Adrien Laubscher-Thévoz